Avez-vous remarqué l’utilisation de plus en plus répandue de l’expression « droits de scolarité » au lieu de « frais de scolarité » dans les médias? Il me semble qu’au début du conflit on parlait surtout en terme de hausse des frais de scolarité. De plus en plus, il s’agit de la hausse des droits de scolarité.
J’admets que les expressions sont synonymes en pratique, mais à un niveau plus subtil, il y a une différence. Prenons « frais de scolarité ». Cette expression induit qu’un individu a l’opportunité d’étudier et qu’il doit payer des frais pour se faire. Mais c’est dans la comparaison avec « droits de scolarité » que la distinction se dégage, et c’est ce qui peut faire une différence au niveau de la perception.
Oui le terme « droit » (surtout dans sa forme plurielle) signifie, entre autres, « une somme d’argent qui peut être exigée », mais il peut aussi être utilisé dans le sens de « faire valoir ses droits ». Et ça tombe que l’argument principal des étudiants contre la hausse vise justement le droit à l’éducation pour tous.
C’est comme si, en utilisant « droits de scolarité », on suggérait, à un niveau inconscient, que le droit à l’éducation n’existe pas puisqu’il faut payer des « droits » pour y accéder. Et au niveau conscient, pointer plus amplement telle signification au lieu d’une autre n’est pas sans utilité dans une optique de guerre d’opinion comme celle que nous vivons en ce moment. Donc, à mon avis, c’est dans le jeu du gouvernement de populariser l’expression « droits de scolarité ».
D’ailleurs, le gouvernement Charest a créé un site web pour faire la promotion de la hausse. Que l’on indique « droits de scolarité » ou « frais de scolarité » dans la fenêtre de recherche de Google, le premier résultat est un lien commandité qui pointe vers ce site. Comme par magie, le site a pour adresse « droitsdescolarité.com/ » et il n’y est jamais question de « frais de scolarité », toujours de « droits de scolarité ». (J’ai rédigé cette dernière phrase avant d’aller vérifier, tellement j’étais sûr de mon coup!)
Hasard? Je ne crois vraiment pas. Si pour l’équipe de travail qui a rédigé le contenu du site l’expression « frais de scolarité » était pour eux égale à « droits de scolarité », on l’aurait sans aucun doute utilisé, comme n’importe quel rédacteur utilise des synonymes pour varier, pour ne pas être redondant. Et justement, la redondance (donc la répétition) est une clé importante de la propagande. Je mettrais ma main au feu qu’un ou des spécialistes de la linguistique ont fortement conseillé le gouvernement dans ce sens, afin de mettre toutes les chances de leur côté. Et cela a fait boule de neige puisqu’on voit de plus en plus « droits de scolarité » dans les médias, et même dans les publications des étudiants contre la hausse.
À ceux qui pensent que c’est de l’exagération, je répondrai qu’il ne faut jamais sous-estimer le pouvoir des mots.
*Lire « Mouvement étudiant : grève ou boycottage, comme une odeur de novlangue »
Màj : On m’a pointé que l’expression « droits de scolarité » viserait plus spécialement le coût par crédit universitaire, alors que l’expression « frais de scolarité » viserait plus large. Ainsi, cela pourrait expliquer ce choix de terme sur le site gouvernemental, mais, après vérifications, les deux expressions se retrouvent utilisées comme des synonymes à différents endroits sur des sites gouvernementaux. Ce que j’ai trouvé après une recherche rapide :
LES FRAIS DE SCOLARITÉ, L’AIDE FINANCIÈRE AUX ÉTUDES ET LA FRÉQUENTATION DES ÉTABLISSEMENTS D’ENSEIGNEMENT POSTSECONDAIRE (un document nommé « droits_scolarité.pdf »)
Programme d’exemption des frais de scolarité supplémentaires
Aussi, sur la fiche Wikipédia « Droits de scolarité au Québec », il est écrit ceci, pour ce que ça vaut :
Les droits de scolarité au Québec (ou frais de scolarité) sont le montant des sommes exigées par une institution d’enseignement pour pouvoir être inscrit à un programme d’études.
Et à côté de « frais de scolarité », il y a un « 1 » qui pointe vers une note qui va comme suit :
L’expression « frais de scolarité » est fréquemment utilisée au Québec, bien qu’elle soit découragée. Le mot « frais » désigne généralement alors une dépense, alors que les droits de scolarité sont plutôt une entrée d’argent pour les universités
C’est plutôt étrange, puisque c’est, et une dépense pour les étudiants, et une entrée d’argent pour les universités. Pas un moins que l’autre…
En fait, si ma mémoire est bonne, l’expression « droits de scolarité » relève de ce qu’on doit payer à l’institution (donc effectivement, les droits pour étudier) tandis que les « frais de scolarité » sont tous les frais encourus pour poursuivre des études (le logement, le matériel scolaire, etc.) L’expression « frais de scolarité » à donc un sens beaucoup plus large que la simple inscription. Évidemment, je ne suis pas linguiste et ce commentaire doit être pris sous toute réserve.
Moi non plus je ne suis pas linguiste, mais je suis certain que les journalistes ne font pas cette distinction. Les deux expressions sont utilisées et semblent pointer la même chose.
Par contre, cette distinction est quand même utile. Elle expliquerait, en tout cas en partie, le choix du gouvernement concernant le site pour la hausse.
C’est clairement une novlangue créée par les fascistes pro-hausse.
Il y a une différence entre les termes, beaucoup plus fondamentale que celle que vous soutenez dans votre texte. L’expression « droits de scolarité » c’est le montant exigé par l’état pour étudier, alors que l’expression « frais de scolarité », désigne les autres montant sur la facture étudiante : frais institutionnels obligatoires, bourses étudiantes, frais pour le complexe sportif, frais pour l’équipe sportive de l’université, etc et sont souvent différents d’une université à une autre. Dans cette présente hausse, c’est effectivement les droits de scolarité qui sont augmentés. Par contre, personne ne parle de l’augmentation de 300 % des frais de scolarité qui a eu lieu entre 2005 et 2012…
Je viens de faire une mise à jour de mon billet.
Votre mise à jour est tout à votre honneur.
http://www.cbc.ca/news/canada/albertavotes2012/story/2012/04/02/albertavotes2025-liberals-eliminate-tuition.html
Juste pour rire avec nos amis pro-hausses.
🙂
« Par contre, personne ne parle de l’augmentation de 300 % des frais de scolarité qui a eu lieu entre 2005 et 2012… »
Ce qui est souvent appelé des frais institutionnels. En effet, ça fait longtemps que les frais totaux de scolarité augmentent mais les fascistes pro-hausse banalisent cette réalité.