À bien des égards, je partage l’indignation de Simon Jodoin au sujet de l’annonce de la contribution bénévole de huit personnalités au Huffington Post Québec. Cela n’est aucunement étranger du fait que je suis le cofondateur du site Le Globe, qui est aussi un webjournal regroupant des blogueurs, et qui espère prendre du galon dans le paysage médiatique québécois.
Mais il y a une différence majeure, et je me dois de l’écrire puisque ce n’est pas évident pour le lecteur : notre plus grand désir est de générer des revenus pour pouvoir payer nos blogueurs, même si ce sont des « citoyens » (contrairement au site états-unien qui a fait son « modèle d’affaires » d’exploiter leur légendaire générosité et leur talent). Il n’y a pas bien sûr pour l’instant encore de revenus à la clé (nous venons de passer le cap du premier mois d’existence), mais nous espérons en générer au courant de l’année 2012. Pour nous, aller dans le même sens que le HuffPost serait de nous mettre dans une position éthique très discutable.
Mais ce qui est remarquable dans toute cette histoire, c’est que l’annonce de la contribution bénévole des huit personnalités est emblématique de l’accueil qu’on réserve à l’arrivée de ce site. Depuis qu’on sait que le HuffPost vient s’implanter chez nous, à la lumière de ma propre veille dans les médias (sociaux inclus), il n’y a pratiquement pas une journée où il n’en est pas question. Et ce, malgré le fait bien évident que ce site s’en vient extrêmement bien plus prendre qu’il ne vient donner. Et l’annonce de ces nominations est vraiment une bonne occasion de bien marquer le tout au fer rouge (en harmonie avec le tapis rouge que l’on déroule majestueusement pour ce site…).
En guise de parenthèse, je peux vous avouer qu’on m’a demandé via Twitter si j’étais intéressé de recevoir une offre de collaboration de la part du Huffington Post. J’ai acquiescé à la demande en espérant un changement de cap de l’entreprise, donc en espérant une offre de travail rémunéré (j’aurais très bien pu le faire tout en continuant de développer Le Globe). Mais non, c’était seulement une offre de visibilité (que visiblement je me coupe en ce moment même…). Fin de la parenthèse.
C’est bien beau la visibilité, mais elle a ses limites. C’est pourquoi je comprends tout à fait les raisons « du blogueur Jonathan Tasini qui réclame que les quelque 9000 contributeurs non rémunérés aux États-Unis soient payés pour la valeur qu’ils ont créée ». Parce que si on divise par 9000 les 315 millions qu’a reçus Ariana Huffington pour son site par AOL (pour aller au plus simple), ça donne quand même 35 000$, ce qui n’est pas rien. (À moindre mesure, cela me fait étrangement penser à l’achat par Rogers de Branchez-vous! pour 25 millions en 2010 – cette acquisition s’est produite pas très longtemps après que je sois parti de BV! pour cause de salaire de crève-faim, alors imaginez ma réaction…)
Mais pour revenir à nos huit personnalités, j’espère qu’ils comprennent bien dans quoi ils s’embarquent. Le Huffington Post Québec va se servir d’eux pour faire grandir sa crédibilité, qui est déjà bien en selle grâce entre autres au travail des journalistes des grands médias, ce qui va faire en sorte d’attirer comme des mouches les blogueurs « citoyens » qui mettront l’épaule à la roue pour permettre à AOL d’engranger de super profits sans trop faire grand chose d’autre que d’ouvrir ses poches.
Alors, ce que je peux dire à Amir Khadir, Steven Guilbault, Normand Baillargeon, Françoise David, Évelyne de la Chenelière, Charlotte Laurier, Jean Barbe et Djemila Benhabib, c’est que s’ils sont disponibles bénévolement pour aider, Le Globe serait très heureux de les accueillir dans son équipe. C’est un projet québécois qui veut créer de l’emploi pour les gens d’ici. Et qui veut devenir entre autres un lieu important de rencontre de ceux qui s’engagent dans le débat social sur le web. Pour l’instant, nous n’avons pas à offrir la visibilité que devrait avoir le Huffington Post Québec si ça continue sur cette lancée, mais avec leur aide et celle d’autres, cela pourrait changer, et très positivement.
Il y a en ce moment une guerre pour faire taire le cynique en moi, alors j’espère que j’aurai eu raison de le bâillonner aussi violemment.
(Photo : nnova)
Pour laisser un commentaire, suivre ce lien : http://leglobe.ca/blog/2011/12/un-tapis-rouge-souille-pour-le-huffington-post/