Rire jaune

 

Daniel Thibault est, entre autres, un moulin à tweet. Il se spécialise dans la création de phrases-clics, sortes de propositions thématiques qu’il s’amusera à décliner ensuite à toutes les sauces, en compagnie d’autres utilisateurs de Twitter voulant bien se prêter au jeu. Comme beaucoup, j’adore.

Très récemment, il a proposé la phrase-clic « #EndroitOùMettreUnUnifolié » en lien avec le projet de loi c-288, au sujet de l’unifolié, le drapeau canadien. (Ajout : Le principal intéressé m’a spécifié sur Twitter qu’il n’était pas l’inventeur de cette phrase-clic, mais bien plutôt @OursAvecNous) Une de ces contributions, « Si j’embroche un député conservateur avec un drapeau, techniquement, je peux poursuivre le flic qui le retire? #EndroitOùMettreUnUnifolié », lui a valu un brûlot d’un dénommé Jean-Philippe Rousseau sur un site qui m’était totalement inconnu : « Québec Presse — le média dissident ». Dans « Haine ordinaire », il est proposé rien de moins que la phrase de Daniel Thibault est un discours haineux :

 

est-ce que de parler, même à la blague, d’embrocher un adversaire, qu’il soit un adversaire idéologique ou de simple circonstance, peut démontrer le respect minimum que l’on doit envers la démocratie et la liberté d’opinion ? Ce message transpire juste la haine. La haine ordinaire de quelqu’un qui refuse le débat et préfère le ridiculiser, à l’extrême, par des images elles-même extrémistes.

 

Vraiment, je crois que c’est pousser le bouchon beaucoup trop loin. J’ai l’impression de sentir les réverbérations d’un certain Bye Bye… On s’amuse à mélanger les cartes, on demande d’imaginer « la même citation, dans n’importe quel autre contexte, parlant de député péquiste, voire même de Québec Solidaire » comme s’il fallait simplement dresser des parallèles de la sorte… Et puis, brandir la liberté d’expression, c’est la cerise…

Quoi qu’il en soit, j’ai laissé un commentaire à la suite dudit billet (toujours en modération au moment où je publie) :

 

De l’humour noir, ça vous dit quelque chose?

Et il n’y a pas à remplacer des termes par d’autres, la mécanique de la blague tient sur le sens des éléments, et grandement par l’absurde (dans le sens d’humour absurde).

Il n’y a que le mât du drapeau pour pouvoir servir dans le scénario proposé à embrocher. Il n’y a qu’un député conservateur et des flics pour pouvoir y être des personnages. Ces éléments ne font que servir le jeu qui a pour titre : « #EndroitOùMettreUnUnifolié ». Alors, il est impossible de changer un député conservateur pour un député du NPD ou un noir, ou un drapeau pour une cible parce que ça ne serait qu’absurde, sans l’humour… Et on jugera de la drôlerie d’une blague mettant en vedette un député du NPD ou un noir et une cible en temps et lieu!

Et je ne comprends pas pourquoi on publie une capture d’écran du tweet en question, mais qu’on omet d’y ajouter « #EndroitOùMettreUnUnifolié »? Sans cela, c’est premièrement placer la citation hors contexte et ça la rend évidemment haineuse, très au premier degré. Mais peut-être qu’ici il est seulement question d’une incompréhension de la culture particulière qui se développe sur Twitter, au Québec.

Je peux bien comprendre que de voir « embrocher » et « député conservateur » dans la même phrase puisse faire sourciller quelques personnes, mais de là à traficoter une théorie pour en extraire tout ce qu’elle a de potentiellement comique pour d’autres…

 

Je crois que dans ce cas on aurait pu se contenter de ne pas trouver ça drôle… Ce n’est pas parce qu’on ne trouve pas ça drôle que ce n’est pas de l’humour pour autant.

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8 réponses à Rire jaune

  1. reblochon dit :

    On ne peut pas rire avec tout le monde… encore moins avec les caves !

  2. Nicole dit :

    Sur ce sujet je ne suis pas d’accord avec toi. Tout peut être drôle et tout ne peut pas l’être aussi à la fois. L’humour de nos jours se définit de toutes sortes de manières avec le prétexte de pouvoir dire n’importe quoi et d’offenser quiconque.

    On s’entend clairement que d’embrocher quelqu’un ça signifie de l’empaler, de le transpercer et, à ma connaissance dans ces conditions, il est évident que la personne y succombera. L’image qui m’est venu à l’esprit, c’est celle d’une mort certaine. Si c’est drôle pour certains ça n’est pas drôle pour d’autres.

    Faut dire que moi, j’aime l’humour intelligent et ce genre d’humour selon moi ne l’est pas du tout. C’est le genre d’humour que les enfants font à l’école auprès de leurs semblables en les traitant de tous les noms et dont ils parviennent à entre extrêmement fier.

    Aussi l’humour noir a sa raison d’être, certes mais elle s’exécute d’une certaine manière. Elle est là pour parler, dénoncer certains phénomènes de la vie, une manière d’en rire plutôt que d’en pleurer. Mais ne qualifions pas d’art ce qui s’avère être de toute évidence une forme de moquerie.

    Qui a raison? Là où tu sembles voir de l’humour noir, moi je perçois la simple moquerie. Si on parlait de drapeau planté dans un endroit douteux voire tabou j’aurais pu comprendre, d’autant plus que c’est ce que la phrase-clic mentionne #EndroitOùMettreUnUnifolié. Mais ici on parle d’une personne et dans la phrase-clic on ne parle pas de l’usage que l’on pourrait faire d’un drapeau canadien, ce qui est à mes yeux nettement différent. L’humour noir dénonce et manifeste de manière brutale et cruelle son point de vue, mais à condition que le sujet abordé s’y prête par son absurdité et sa cruauté également.

    Enfin, on voit que tout est relatif, mais je crois tout de même que certains exagèrent au nom de l’humour à dire et écrire toutes sortes de bêtises.

  3. Nicole,

    je le répète, ce n’est pas parce que toi tu ne trouves pas ça drôle que ce n’est pas de l’humour. Et je le répète aussi, tous les éléments de la blague justifient les autres.

    S’il n’y avait pas d’« embrochement », il n’y aurait pas de flic dans la blague, ce qui est quand même le noeud, la représentation effective de la Justice, de la loi.

    C’est de l’humour noir justement parce que ça suggère la mort de quelqu’un.

    « L’humour noir dénonce et manifeste de manière brutale et cruelle son point de vue, mais à condition que le sujet abordé s’y prête par son absurdité et sa cruauté également. »

    Si on enlève « sa cruauté également », je ne vois pas où cette blague ne rencontre pas cette définition. Et pourquoi le sujet visé devrait-il être cruel? Ce n’est pas du donnant donnant…

    As-tu lu le classique de la BD d’humour noir « Idées noires » de Franquin? Il s’y trouve une blague que j’aimerais mettre en parallèle pour démontrer qu’il n’est pas besoin de cruauté pour le sujet visé. Et d’ailleurs, je crois que l’auteur du billet sur Québec Presse aurait pu avoir un discours semblable en lien avec ce scénario de Franquin…

    Si je me souviens bien, un riche président de compagnie se vante auprès d’une autre personne qu’on a trouvé une manière de faire, entre autres, des boulons avec du carton, ce qui ne coûte pratiquement rien à produire. On comprend dans la dernière case que ce président de compagnie est dans un avion et on voit un boulon retenant une aile tomber.

    C’est clair que cette blague soulève l’absurdité de sacrifier la sécurité au profit d’un plus grand profit. On tue un président de compagnie qui n’est pas cruel pourtant…

  4. nicole dit :

    Et bien personnellement je crois avoir dit absurdité et cruauté voire la bêtise humaine dans l’absurdité. Le président en question dans son avion subit les conséquences de son avarice, c’est subtile et très juste comme message, «tu veux délaisser une chose importante pour tous (sécurité) pour l’une qui l’est mais juste à tes yeux (l’argent, économie).»

    Enfin, tel que je le mentionne dans mon précédent message, les visions sont différentes parce que discutables, si tel est le cas, pourquoi en faire un plat si quelqu’un n’adhère pas à ton type d’humour? Sachant pertinemment que chacun verra la chose sous un regard différent. Est-ce parce que tu crois avoir plus raison que les autres étant donné que tu juges la chose comme de l’humour noir?

    Personnellement, je ne vois pas l’humour noir, dans cette phrase. Tel que je l’ai écrit tantôt il ne s’agit pas d’endroit dont il est question mais de personne. On dit empaler quelqu’un (partisan de cette nouvelle loi) peu importe l’endroit, et que, par conséquent, les autorités ne pourront pas pénaliser l’assassin puisqu’il a le droit de planter son drapeau où il le veut.

    Ce n’est pas de rendre justice au sujet en question, soit le fait de pouvoir mettre où l’on veut son drapeau canadien sans craindre des représailles, mais davantage une attaque voire une vengeance contre les personnes qui en ont décidé ainsi.

    Bref, je ne veux pas te faire changer d’idée, loin de là, ça ne risque pas d’arriver! Juste te dire que pour moi, ce n’est pas un humour aussi intelligent que celui du dit président qui tombera avec son avion au boulons en carton!

  5. Nicole,

    je ne dis aucunement que c’est plus ou moins intelligent. De toute façon, la blague (ou phrase) de Daniel Thibault est aussi absurde, en plus d’être noire, ce qui n’est pas le cas de Franquin. Je remets juste en question ta définition de ce qui peut être classé dans l’humour noir.

    Et quand je parle d’absurdité, il est bien question de pousser un désaccord jusqu’à l’embrochement, puisqu’il est bien manifeste qu’il faut au moins s’y appuyer un minimum. C’est là où le prendre au premier degré est discutable. Il est tellement évident qu’il n’y aura qu’un cinglé pour marquer son désaccord de cette manière.

    Personnellement, par exemple, j’aime bien quand JF Mercier pousse la note trop loin avec son personnage du Gros Cave. C’est un personnage, c’est de l’humour, et c’est un genre d’humour que j’aime. Le scandale du Bye Bye 2008 a bien prouvé le puritanisme de certains, dont je ne suis pas, visiblement.

    Le cas que je soulève est la démonstration que ce puritanisme ne cesse de vouloir aplanir la liberté d’expression. Et ça me fait vraiment peur.

  6. Daniel Thibault dit :

    On ne parle pas d’humour intelligent. On parle d’humour noir. Et si on attaque mon humour noir, je vais invoquer le racisme. Vous voilà prévenu.

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