
Photo : Eye Ubiquitous / Getty Images
Dans le cadre des élections municipales d’Ottawa, Mark Scharfe, le candidat dans le quartier Osgoode, voudrait qu’on supprime les services en français. En plus, il a de bonnes chances d’être élu, comme on peut le lire sur le site de l’Express d’Ottawa :
Des services en français pour la forme?
Mon point ici ne sera pas de défendre les services en français dans une ville faisant partie d’une province anglaise puisque je ne défendrai jamais les services en anglais au Québec qui est une province française. Question de logique quand on constate que le bilinguisme institutionnel encourage ici l’unilinguisme anglophone et là-bas l’unilinguisme francophone. Dans un monde idéal, ceux qui veulent absolument des services en français devraient vivre au Québec, mais nous ne sommes pas dans un monde idéal…
En vérité, ce qui m’a interpellé dans cette nouvelle, c’est la raison qu’invoque Mark Scharfe, toujours dans l’article de l’Express, pour couper les services en français :
Le candidat justifie son choix par le refus selon lui des francos de converser dans leur propre langue: «J’ai pris des cours de français pour devenir bilingue, mais quand j’ai essayé de parler, les francophones ont toujours eu le réflexe de passer à l’anglais en entendant mon accent. Je ne pouvais dès lors trouver personne dans Vanier qui ne parle pas anglais. Pour moi, devenir bilingue a toujours été une perte de temps.»
Ça me rappelle étrangement un réflexe de certains francophones ici…
Des services en français inutiles?
Même si la logique de cet homme est assez simple, voire simpliste, elle tient la route au moins à un niveau : pourquoi payer pour des services en français quand visiblement tout le monde est bilingue? Le but premier de donner des services en français est utilitaire, non? Si ce n’est pas utile, à quoi bon!
Oui oui, je sais, il n’y a pas que le côté utilitaire, il y a aussi la question du choix pour la personne qui reçoit les services. Mais on peut tout de même se poser la question à savoir si ce choix est légitime selon ses politiques linguistiques. Pour ce qui est d’Ottawa, il est certain que le fait qu’elle soit la capitale nationale d’un pays qui se déclare bilingue (même si dans les faits c’est loin d’être le cas) pèse fort dans la balance. Fournir des services en français va de soi.
Un bilinguisme contre le bilinguisme
Mais ce qui ressort le plus des propos de Mark Scharfe, c’est le constat que le bilinguisme de la minorité francophone, au-delà de sa valeur individuellement positive, n’encourage pas le bilinguisme des anglophones. Pourquoi? Parce que les francophones, au moins ceux dont parle le candidat, ont perdu avec le bilinguisme ce petit quelque chose qui leur aurait donné le goût de partager leur langue maternelle comme vecteur culturel avec quelqu’un qui visiblement s’y intéressait.
Encore plus, ils ont perdu le goût de prendre la mesure de leurs actions pour le futur de la pérennité du français. Se retrouvant devant le choix de parler français et d’aider quelqu’un en apprentissage ou de parler anglais et d’accommoder quelqu’un qui ne demandait même pas à être accommodé, ils ont décidé de prendre la voie de la facilité.
Qu’on ne vienne pas me dire que ce n’est pas une attitude individualiste qui est tout à fait en contradiction avec l’idée du fait français, une donnée collective. C’est une attitude aussi individualiste que celle du francophone qui passe à l’anglais pour le pratiquer aussitôt qu’il entend un accent, même quand ce n’est pas un accent anglophone…
Et si quelqu’un vient me dire que ce texte est anti-anglophone, je lui dirai simplement d’en refaire la lecture. Et si ça ne fonctionne pas, d’aiguiser son sens de l’analyse avant d’en refaire la lecture.
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17 réponses à Un candidat veut supprimer les services en français