Le syndrome du larbin, et la révolution islandaise

Deux trucs inédits pour moi voilà quelques heures encore, et que je me dois d’imprimer ici. À défaut d’être journaliste, et donc seulement blogueur (et d’aimer adorablement ce passe-temps ingrat), je peux au moins faire ça…

Le syndrome du larbin

Définition sommaire :


Chez un individu, le syndrome du larbin est un comportement pathologique visant à prendre systématiquement la défense des classes les plus favorisées au détriment de celles dont il est issu. Ce syndrome diminue les capacités d’analyse du larbin et se traduit par un blocage psychologique l’incitant à agir préférentiellement contre ses propres intérêts au profit de ceux qui l’exploitent.

Ne vous lancez pas sur votre téléphone pour conseiller à votre beau-frère un bon psychologue, c’est plus humoristique que sérieux, même s’il semble exister de véritables cas de ce syndrome. Il ne manque qu’un scientifique pour s’y pencher, mais je doute fort qu’il reçoive des subventions privées ou gouvernementales, alors c’est déjà mort dans l’oeuf…

En fait, si c’était vrai, ou plutôt avéré, la presque totalité des gens penchants à droite en serait, étant donné qu’il y a un très petit pourcentage de droitistes très riches. Mais je ne passerai pas trop de temps là-dessus, parce que dans le fond, ce sujet est seulement un clin d’oeil pour introduire le prochain.

La révolution islandaise

Visiblement, la population islandaise aurait un taux de syndrome du larbin assez bas si on regarde ce qui s’y passe depuis 2008.

C’est vraiment une histoire incroyable et pourtant, il n’y a vraiment pas eu beaucoup d’écho depuis ce qu’on a appelé « la révolution des casseroles », que relatait Le Figaro le 4 février 2009 :

Le tintamarre des casseroles et des poêles à frire, chaque samedi devant le Parlement, a fini par avoir raison du premier ministre islandais […] Geir Haarde, chef d’un Parti conservateur qui dominait la scène islandaise depuis l’indépendance du pays en 1944 […] Mais la «révolution des casseroles», comme on l’appelle à Reykjavik, n’est pas terminée : ce samedi, pour la 17e fois depuis le début de la crise [financière] en octobre, ils étaient encore plusieurs centaines à crier leur colère. «Rendez-nous notre argent !», proclament des pancartes. «On veut de nouvelles têtes dans les banques et au gouvernement » […]

Une coalition de partis de gauche ainsi qu’une première femme au poste de premier ministre, Jóhanna Sigurðardóttir, ont été portées au pouvoir, mais assez rapidement, le peuple a pris les choses en main en refusant par référendum à 93% le remboursement de la dette et en élisant une Assemblée citoyenne chargée de rédiger une nouvelle constitution (« Parmi les propositions qui reviennent le plus souvent, on peut noter la séparation de l’Église et de l’État, la nationalisation de l’ensemble des ressources naturelles et une séparation claire des pouvoirs exécutif et législatif. »). Leurs travaux commenceront en février pour se terminer à la fin du printemps.

Le reste de l’Histoire est à écrire.

*

Avouez que c’est assez inspirant! C’est quelques crans au-dessus d’une pétition demandant la démission de notre premier ministre John James Charest, quand même… (Ce n’est surtout pas pour dénigrer la chose, si seulement c’est le début de quelque chose de plus vaste, espérons-le!)

Voilà la preuve qu’il y a plus grand et plus profond que la démocratie comme on la voit théoriquement. Les supposés chiens de garde de cette démocratie molle sont apathiques, il n’en tient qu’à moi, qu’à vous, citoyens, d’y fouetter les sangs!

Voilà mon humble contribution. Ne vous gênez surtout pas pour faire suivre.

*

(Merci à Eric Bondo de m’avoir pointé ces sujets.)

(Peinture : Pierre Marcel, « Bringing democraty », Acrylique sur toile, 150 x 150 cm, France 2001.)

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14 réponses à Le syndrome du larbin, et la révolution islandaise

  1. Darwin dit :

    «ce sujet est seulement un clin d’oeil pour introduire le prochain.»

    Mais quel clin d’oeil ! Moi qui me suis tapé des livres , comme «Pourquoi les pauvres votent à droite» de Thomas Frank, j’apprends maintenant qu’il y a deux possibilités, «la thèse génétique et la pathologie mentale» !

    Il ne reste plus qu’à comprendre pourquoi certains riches votent à gauche ! 😉

    «Les supposés chiens de garde de cette démocratie molle sont apathiques, il n’en tient qu’à moi, qu’à vous, citoyens, d’y fouetter les sangs!»

    🙂

  2. Quel clin d’oeil, en effet!

    Je ne pouvais m’empêcher de penser à tous ces gens que j’ai rencontrés en faisant du porte-à-porte, qui recevaient de l’aide sociale et qui habitaient des logements miteux tenir des discours à la Éric Duhaime et se porter à la défense des corporations.

    J’essaie encore de comprendre…

  3. Martin Groleau dit :

    @Noisette Sociale: Hélas, je ne crois pas qu’il y a quelque chose à comprendre dans ce paradoxe. Peut-être que ces personnes ne sont pas complètement reconnaissantes ou conscientes de ce qui leur est donné.

    D’ailleurs, je rêve d’un gouvernement basé sur des règles et principes semblables à ceux qui régissent le développement de logiciels « Open Source ». Tous peuvent intervenir et leurs contributions, même minimes, comptent réellement.

    Je ne sais pas comment orienter davantage mon rêve. Peut-être que l’Islande est en train de m’en dicter une partie.

  4. Darwin,

    si on met quelqu’un de cet acabit devant le choix de la thèse génétique et de la pathologie mentale, je me demande lequel est le moins dommageable pour l’ego…

    Ouin, à bien y penser, la génétique permet trop de se venger sur les autres!

    Noisette,

    c’est bien un des plus profonds mystères, si on évacue « la thèse génétique et la pathologie mentale »…

    Faut que quelqu’un se mette là-dessus!

    Martin Groleau,

    « D’ailleurs, je rêve d’un gouvernement basé sur des règles et principes semblables à ceux qui régissent le développement de logiciels « Open Source ». Tous peuvent intervenir et leurs contributions, même minimes, comptent réellement. »

    Beau rêve que je partage.

  5. Vincent dit :

    Comment appelle-on le syndrome de celui qui prend systématiquement la défense des classes moins élevées que la sienne et qui diminue ses capacités d’analyse par un blocage psychologique l’incitant à agir préférentiellement contre ses propres intérêts au profit de ceux qui veulent l’exploiter?

    Le syndrome du bourgeois-?

  6. Vincent,

    je ne crois pas que le terme « bourgeois » soit bien choisi…

  7. reblochon dit :

    On peut aussi trouver normal que certaines personnes ayant fait d’autres choix dans la vie possèdent plus de richesse que nous (après il faut voir ce qu’on appelle la richesse … parce que pour moi ils sont bien souvent pauvres ces gens). Ça ne veut pas dire qu’on tolère tous les plus nantis. Il y a des types comme Bill Gates qui en partant de pas grand chose sont devenus milliardaire … à aucun moment je me vois critiquer ce genre de personne. Après y a les grandes lignées d’exploiteurs, les spéculateurs vivant de la misère des autres, les profiteurs et les grands patrons aux avantages indécents…

    Oui je fais partie d’une classe dominée sur bien des points, mais pour certains points je ne ressens ni jalousie, ni besoin de combattre des gens qui par leur travail, leurs sacrifices, leurs choix se sont hissés dans une classe supérieur. La vie serait d’ailleurs bien triste pour beaucoup sans cet espoir de pouvoir changer de condition sociale.

    Je suis libéral sur ce point. Ça ne veut pas dire que je tolère les injustices ou que je sois le larbin de quiconque.

  8. gillac dit :

    Très important sujet qui est abordé ici et qui démontre que la démocratie, le moins pire des systèmes politiques, a aussi besoin de réingénierie (quel mot atroce!). Si je me fie à l’histoire de l’humanité, il arrive fréquemment que dans les périodes difficiles les peuples se jetent dans les bras de tyrans de la pire espèce. Deux seules façons de contrer cela : l’éducation et la conscience sociale. Merci à Renart d’y contribuer par ce blogue.

  9. Martin Groleau dit :

    @Gillac: J’aime bien votre propos.

    Pour ma part, j’aimerais que la démocratie se transforme mais pas à travers le terme « réingénierie ». Je trouve que ce mot laisse sous entendre que les modifications seraient faite par un groupe de gens instruits qui ne représenterait pas nécessairement l’ensemble de la population. J’aimerais une participation qui semblerait plus venir de la population en général que d’un groupe de travail. Cependant, je ne trouve pas de mot à vous suggérer.

    Au delà de la terminologie, je partage parfaitement votre opinion et surtout votre avant dernière phrase: « Deux seules façons de contrer cela : l’éducation et la conscience sociale. »

    Je constate malheureusement que l’éducation de l’histoire est de plus en plus déficiente et j’ai peur, qu’à moyen terme, la démocratie en deviendra la grande perdante.

    Un bon article à ce sujet: http://www.courrierinternational.com/article/2010/06/24/une-crise-planetaire-de-l-education.

  10. gillac dit :

    @Martin Groleau
    D’accord. L’eXpression « la démocratie a besoin de se réinventer » me semble plus appropriée.

  11. Martin Groleau dit :

    Je crois que la sur-utilisation du mot « réingénierie » sans avoir trouvé aucune solution réelle par notre premier ministre m’a irrité dans le passé.

  12. Reblochon,

    tu apportes un bon point.

    La seule chose qu’on peut critiquer à propos des milliardaires de la trempe de Bill Gates c’est peut-être le pouvoir qui vient avec tout cet argent. Et dans son cas à lui, c’est plutôt difficile de lui reprocher quoi que ce soit avec ce qu’il en fait, contrairement à d’autres.

    Gillac,

    « Merci à Renart d’y contribuer par ce blogue. »

    si peu, si peu… 😉

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