CHI et féminisme : humour et lieux communs

Depuis mon premier billet au sujet du féminisme et du spectacle de la Coalition des Humoristes Indignés (CHI), je suis en dialogue avec la blogueuse Catherine Voyer-Léger. Je lui posais sur Twitter la question à savoir en quoi consiste l’aliénation que les féministes du Comité Femmes GGI pointent dans leur critique des humoristes, ce qu’elle explique sur son blogue par un « combat [qui] concerne l’ancrage des notions masculin/féminin au coeur de lieux communs [qu’elle estime] être extrêmement nocifs. »

Les humoristiques empêchent-ils le progrès social?

Donc, si je répète ma question dans un sens plus englobant : pourquoi cela est-il nocif dans une optique humoristique? Je reprends ici la partie de son billet qui devrait le plus y répondre :

Ces lieux communs prennent l’allure de vérités par leur simple répétition. Nous croyons que notre conception du masculin et du féminin est naturelle et nous refusons de voir comment elle maintient le statu quo, reproduit l’exclusion et freine les changements de mentalités.

Les lieux communs (ceux de genre en particulier) sont la nourriture de base des humoristes. J’en connais peu qui ne s’y nourrissent pas, encore moins qui les remettent en question. […]

Je l’ai écrit maintes fois, je considère qu’en matière de reproduction des lieux communs, il n’y a pas de position neutre. Ou tu les pourfends. Ou tu les consolides. C’est ce dont parlent les signataires du Comité Femmes GGI lorsqu’elles accusent le milieu de l’humour de renforcer des stéréotypes. Sous prétexte de deuxième degré, les humoristes reprennent effectivement un paquet de lieux communs censés faire rire et surfent sur le consensus.

 

Ma réponse (que j’ai laissé en commentaire sur son blogue) :

 

Concernant l’aliénation, et l’explication sociologique de son mécanisme, ce qui était en fait la grande question sous-jacente à mes deux textes, je ne suis pas repu.

Justement, je crois qu’il faudrait des études dans ce sens pour prouver qu’effectivement les humoristes encouragent l’aliénation. En l’absence d’études sérieuses, il ne reste que des impressions. Donc, pour y aller au plus simple, notre différence de point de vue consiste à ce que pour ma part je n’ai pas l’impression que l’humour participe à une aliénation globale alors que de ton côté oui.

Mais pour ce qui est de ma position, en réalité, je crois plus que s’il y a aliénation, c’est peut-être au niveau des gens qui ne sont pas capables de — ou qui ne veulent pas — comprendre les subtilités qu’offrent certains humoristes (d’où le fait d’avoir pointé l’éducation comme solution précédemment, même si ça serait une solution partielle). Et puis, globalement (ce qui est toujours une impression, mais qui me semble vraiment tenir la route), je ne crois pas que la problématique des genres, des rapports homme/femme et de l’égalité entre les sexes soit en régression ici, c’est à dire que la lutte féministe soit à reprendre au début et qu’il n’y ait pas eu de gains. Alors, dans cette optique, étant donné que l’humour est un mégasuccès au Québec, je ne crois pas non plus qu’il faille pointer « les humoristes » négativement. Si ça se trouve, ils participent positivement au progrès social en riant de nos travers (eh! oui, malheureusement, le machisme est toujours de nos travers).

Et pour ce qui est des « lieux communs », je crois que c’est du matériel pour les humoristes, de la matière à fabriquer du comique (et à faire réfléchir, aussi), alors que la position de certaines féministes (dont le CFGGI et peut-être toi) semble se baser sur un désir de voir « clairement » de la dénonciation dans un numéro d’humour. Je suis désolé, mais je doute fort que la dénonciation soit très efficace comme mécanique pour faire rire, à moins de vouloir rire d’un groupe social ou d’un individu qui dénonce (j’imagine très bien par exemple une humoristique faire un personnage de féministe qui dénonce et ce que ça provoquerait…). Alors, la dénonciation devra se faire en sous texte. Mais si c’est la mise en scène d’un lieu commun qui réussit à faire rire et que certaines féministes ne voient que le premier degré dans ce rire, donc qu’il n’est qu’une approbation, qu’un contentement stupide devant la réalité, le problème demeure entier. Est-ce que les humoristes devront, après chaque gag, faire une « morale », comme dans le vieux procédé « La morale de cette histoire… »?

Je suis d’accord que les lieux communs sont à défaire. Mais je continue de penser que ce n’est pas en les niant que l’on va y arriver. Les pointer, c’est prouver qu’ils existent toujours. Et les pointer pour en rire, c’est déjà un pas vers le changement, puisque cela prouve que ce n’est pas tabou d’en parler. Pour ce qui est de la bonne manière de le faire pour satisfaire tout le monde, j’aimerais avoir la solution, mais je ne l’ai pas. Je laisse les humoristes travailler là-dessus et je trouve qu’ils sont sur la bonne voie.

(Photo : cudmore)

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2 réponses à CHI et féminisme : humour et lieux communs

  1. Stéphane dit :

    Le commerce de l’humeur, car il s’agit bien de ce dont vous causez, au Québec est l’affaire de la manufacture à Lauzon; Juste pour rire.

    Aussi étrange que soit ce commerce, en quoi devrait-il être un comité, une association, un regroupement féministe?

    Arrêtez de gratter, les filles. Ça saigne.

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